Préoccupations économiques des comtes de Chiny (ca 1200-1364)
L’animation accrue des axes routiers et les besoins de trésorerie princière provoquent alors la multiplication des péages, winages ou tonlieux de transit. Le fait s’observe tant dans les comtés de Chiny et de Luxembourg que dans les principautés voisines. ( …) La nature même de la route médiévale, qui n’a rien d’un tracé rigoureusement délimité, engendre une relative prolifération des bureaux. Les autorités et les commis à la perception n’ont de cesse de traquer les voituriers à la recherche de travers et voies obliques. La fréquentation des itinéraires requiert une relative sécurité. Avec le renouveau économique qui s’amorce aux XIe-XIIe siècles, se développe et se généralise le conduit, c’est-à-dire la protection accordée, moyennant rémunération, à une personne ou à un groupe de personnes traversant une région ou se rendant en un lieu déterminé. Cettre prérogative, d’essence régalienne, est exercée dès le XIIIe siècle par les comtes de Chiny. Par contre, il ne semble pas qu’une véritable politique routière puisse s’inscrire à leur actif.
La principauté est connue par l’ampleur qu’y revêt, spécialement au XIIIe siècle, le mouvement des concessions de franchises. Pour les années 1123 à 1304, on conserve vingt-trois chartes conférant le droit de Beaumont à une ou plusieurs localités. (…) Les mobiles d’octroi d’une charte sont variables selon les endroits et probablement selon les époques. Le procédé permet d’affirmer ou de consolider le pouvoir princier ou seigneurial, de grignoter les positions de lignages ou de dynastes voisins. Dans le cas d’une charte d’accompagnement, la mise en commun de biens et droits et une stricte répartition des revenus préviennent des tensions et des conflits. Des impératifs stratégiques sont présents dans des localités dotées d’importants ouvrages défensifs. Et l’on évoquera aussi des préoccupations de peuplement, de mise en valeur du sol et, dans le cas de centres régionaux, de promotion d’activités commerciales. Enfin, si les chartes restreignent certaines prérogatives seigneuriales, en même temps elles les consacrent et encadrent plus solidement les biens et les droits, participent à un mouvement de centralisation administrative et d’unification juridique.
Jean-Marie YANTE, in Herbeumont, LIIe Congrès de la Fédération des Cercles d’Archéologie et d’Histoire de Belgique, Cinquième Congrès de l’Association des Cercles francophones d’Histoire et d’Archéologie de Belgique, 2000, t. II, p 267-269.

